Lucio Fulci

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Interviews / Interviews autour de Fulci

Silvia Collatina

Silvia Collarina – actrice (La Maison près du cimetière, Murderock)

Discuter avec Silvia Collatina est un plaisir. Elle semble si heureuse de se plier au jeu des questions/réponses que ça en est communicatif. Pas de cynisme ni de rancoeur chez elle : que du plaisir. La petite Mae de La Maison près du cimetière est devenue adulte mais a gardé en elle une certaine folie juvénile. C’est donc en toute logique qu’elle propose le tutoiement pour cet entretien.

Je crois que c’est ton agent qui a trouvé le rôle de Mae pour La Maison près du cimetière. Qu’est-ce qui vous a séduit dans ce projet « pour adulte » ? Le personnage de Mae ? Le film en lui-même ?

Pour La Maison près du cimetière, mon agent m’a demandé d’aller passer le casting. Le film m’a tout de suite fascinée, ainsi que l’idée d’aller aux Etats-Unis. Alors quand ils m’ont prise, j’étais folle de joie ! Le personnage de Mae me plaît encore maintenant parce qu’il est mystérieux et fascinant. Et puis bien sûr, tout le film est assez inquiétant, et donc intéressant.

As-tu des souvenirs des personnes présentes lors de l’audition et de ce qu’on t’a demandé de faire ?

Je me souviens parfaitement de tout. J’ai fait un seul essai dans lequel je devais faire des mimiques mystérieuses et effrayées. J’ai peut-être dit aussi quelques mots mais c’est tout ! Apparemment, cela a été suffisant !

Fulci était-il présent ?

Pendant le casting de La Maison près du cimetière, j’étais seule avec un de ses assistants. Il faut croire qu’on lui a dit que je faisais l’affaire.

Qu’y avait-il d’indiqué sur ton personnage dans le scénario pour t’aider à préparer ton rôle ?

Je ne me rappelle pas précisément s’il y avait des suggestions dans le scénario. Ma mère l’a encore… Je devrais aller vérifier.

Selon Dardano Sacchetti, la fin qu’il avait écrite a été légèrement modifiée par le producteur. As-tu connu cette première version ?

Non, sincèrement je ne savais pas qu’il avait une fin alternative… Ça me plairait vraiment de la connaître.

Quel sens donnes-tu à la fin du film ?

À la fin, Mae sauve Bob du Dr. Freudstein et l’emporte avec elle dans son monde parallèle, c’est-à-dire le monde des morts… pour toujours. Donc concrètement, Bob ne meurt pas mais il ne pourra jamais retourner dans le monde des vivants et restera toujours un enfant avec moi.

Souvent, dans le film, tu n’as pas de partenaire à qui donner la réplique. Etait-ce difficile de jouer en regardant la caméra ou en parlant dans le vide ?

Non, ça n’a pas été difficile. J’ai une imagination débordante.

Comment t’occupais-tu entre les prises ? L’attente, quand on est enfant, doit paraître longue, non ?

Entre deux scènes, j’aimais regarder les autres acteurs jouer alors, le temps ne me paraissait pas long du tout. Je suis très observatrice.

Pourquoi, lors du meurtre de la baby-sitter, c’est ta main qui tient le couteau et non celle du Dr Freudstein ?

Dans le film j’ai deux rôles : Mae, et la main gauche du Dr. Freudstein (qui n’a rien à voir avec Mae évidemment !), et donc, j’ai aussi assassiné Ania Pieroni !

Oui mais tu n’as pas demandé à Fulci (ou à Sacchetti s’il était sur le tournage) pourquoi il voulait utiliser ta main ?

Non je ne leur ai pas demandé. Ma main servait à faire comprendre que pour se régénérer et vivre, le Dr Freudstein utilisait des parties de corps d’adultes ou d’enfants.

Pour ce genre de scènes, j’imagine qu’on ne peut pas multiplier les prises à cause des effets spéciaux. Comment Fulci te dirigeait-il ?

Je suis très spontanée, et quelques acteurs m’ont dit, après plus de 30 ans, et à mon grand plaisir, que je ne refaisais pas mes scènes parce qu’elles étaient bonnes. Ça me remplit de fierté ! En revanche, je ne me rappelle pas que Fulci m’ait fait de compliments…

Comment a réagi ton entourage lorsqu’il a vu le film de Fulci ? Parce que jouer dans un film aussi violent si jeune, ça peut interloquer, non ?

Nous avons toujours été une famille anticonformiste, comme la famille Adams. Par conséquent, le film n’a gêné personne. En fait, seule ma sœur (j’ai deux frères et une sœur) a eu un peu peur à l’avant-première.

Tu as déclaré que parfois, Fulci savait se montrer… enfantin. Aurais-tu une anecdote pour illustrer cela ?

Je ne me souviens pas d’une anecdote en particulier… Je savais qu’il l’était parce que des personnes qui le fréquentaient et l’aimaient me l’avaient dit. Il était « enfantin » dans le sens où il pouvait s’énerver, puis être capable de pleurer comme un enfant. Donc il était dur sur certaines choses et très sensible pour d’autres.

Comment t’es-tu retrouvée sur Murderock ? Par casting également ?

Mon rôle dans Murderock a été très court. Je devais jouer une enfant handicapée qui avait développé un sens aigu du sadisme et du macabre. Je devais avoir l’air perfide, et même temps un peu antipathique et vicieuse. Mais ça m’a amusée de le faire. En revanche, quand je me revois, je me dis « Oh mon Dieu quelle coupe de cheveux horrible j’avais à l’époque ! ».

Comment se sont passées ces « retrouvailles » avec Fulci ?

Ma mère m’a dit que Fulci était content que retravaillions ensemble et qu’il voulait vraiment tourner avec moi. Donc tout s’est très bien passé.

Avait-il changé dans son comportement sur le plateau ? Certains disent qu’il pouvait se montrer assez « violent » alors que Giuseppe Pinori parle d’un tournage très calme, dans la bonne humeur à propos de Murderock.

En général, pour obtenir ce qu’il voulait, ça ne posait aucun problème à Fulci de nous hurler dessus et de s’énerver. Mais heureusement, ça lui passait. Peut-être que pour nous les acteurs, surtout les plus jeunes, il nous fallait plus de temps pour digérer un caractère pareil. Mais c’est vrai que pour Murderock, du moins en ce qui me concerne, je l’ai vécu tranquillement.

Cette fois-ci, tu interprètes Molly, un personnage qui est à l’opposé de Mae dans La Maison près du cimetière. L’espace de Molly est très limité puisqu’elle se déplace en fauteuil roulant et elle prend en photo un meurtre au lieu d’essayer de l’empêcher. Cette différence a-t-elle changé ta préparation pour le personnage ?

Pour Murderock, la seule chose qui me préoccupait était la chaise roulante, et je me rappelle que je m’entraînais dans le couloir du plateau de tournage. Au début, Fulci voulait me mettre de fausses jambes, pour les faire paraître encore plus osseuses. Au final, nous avons conservé les miennes ! Quant à l’interprétation pure et dure, j’ai agi d’instinct.

Murderock est le deuxième film sur lequel travaille Camilla Fulci, sa fille. As-tu des souvenirs de cette relation à la fois professionnelle et familiale ?

Je me rappelle seulement de sa file Antonella. Elle était très gentille et affectueuse avec nous les enfants, et elle savait nous consoler et nous encourager en même temps.

Et Antonella, faisait-elle aussi la baby sitter sur le tournage de La Maison près du cimetière ?

Non, Antonella accompagnait son père, mais elle était très jeune, alors elle restait souvent avec nous, qui étions des acteurs encore plus jeunes qu’elle. Elle était très douce et protectrice. J’ai vraiment un très beau souvenir d’elle.

As-tu recroisé Fulci après avoir travaillé avec lui ?

Hélas non, et je le regrette. J’aurais voulu faire d’autres films avec lui, mais probablement que tous les rôles ne peuvent pas convenir à une nana décalée comme moi. Peut-être que si j’avais fait une sorcière aux cheveux roux, j’aurais été parfaite !

Mais dans lequel de ses autres films tu te serais vu tenir un rôle ?

C’est sûr que j’aurais aimé continuer à jouer pour lui. J’aurais voulu faire Manhattan Baby, encore avec Giovanni, mais je ne pouvais bien sûr pas jouer le rôle de sa sœur, qui a été interprété par Brigitta Boccoli, blonde avec les yeux bleus. J’aurais aussi aimé jouer dans Demonia.

Quand as-tu compris que La Maison près du cimetière était devenu un film culte, voire, un film phare de l’horreur italienne ?

En fait je ne m’en suis rendue compte qu’il y a trois ans environ, quand Mike Baronas, désormais mon agent pour les conventions, m’a contactée. J’ai eu les moyens de rencontrer énormément de fans, et je ne m’y attendais vraiment pas. En Italie, Fulci est peu connu alors je n’avais pas idée à quel point il était célèbre à l’étranger !

Si tu devais garder un seul souvenir avec Lucio Fulci, quel serait-il ?

Je me rappelle surtout de deux anecdotes. La première : quand il s’était énervé contre moi parce que, pendant une courte pause, j’avais lâché la main de Giovanni, alors qu’il voulait que nous restions collés comme des fiancés même lorsque nous ne tournions pas. Cela m’embarrassait beaucoup.

Mais pourquoi donc ?

Eh bien, je suis fondamentalement timide, et je l’étais encore plus lorsque j’étais petite. Alors, je ne voyais pas l’intérêt de rester immobile, main dans la main, en attendant le clap comme le voulait Fulci. Je ne le voulais pour rien au monde, mais comme je l’ai dit, Fulci s’énervait de toute manière, alors je n’ai plus lâché la main de Giovanni, même après.

Et la deuxième alors ?

C’était aussi pendant le tournage de La Maison près du cimetière. Je devais pleurer quand je prédis la mort d’Ania Pieroni, et je n’y arrivais pas. Au début, il m’expliquait bien comment il voulait que le fasse, mais ce qu’il faisait me semblait trop adulte parce qu’il secouait la tête d’un air désespéré, et ça ne me réussissait pas. Après, il s’est tellement énervé qu’au final j’ai pleuré pendant et après la scène ! Quoi qu’il en soit, je me rappelle que je le respectais et qu’il me fascinait, même si j’étais petite. Je comprenais que c’était un grand maître de l’horreur !

Portrait de Silvia Collatina : Federico Riva

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